lundi 4 février 2013

Les travers de la bonne idée

Combien de fois avez-vous entendu un de vos collègues, un manager ou un décideur, qui après l'exposé d'un concept, d'une solution technique ou d'un pitch business ponctue cette présentation d'un "c'est une bonne idée".  On pourrait se réjouir de ce feedback, tout de même positif, mais laissez-moi l'occasion de vous démontrer que ce genre de jugement est l'indicateur d'un manque de discernement en ce qui concerne la créativité et l'innovation.



Commençons par le mot "idée". Qu'est ce qu'une idée?  

Idée: nom féminin (latin idea, du grec idea, forme visible, de ideîn, voir),
Représentation abstraite, élaborée par la pensée, d'un être, d'un rapport, d'un objet, etc. ; concept, notion : l'idée du beau. Les rapports du mot et de l'idée qu'il représente.

1ere définition du mot idée chez larousse 

Une idée est une représentation abstraite et c'est le moins que l'on puise dire. L'idée est par nature abstraite quand on l’évoque avant sa réalisation. Et le mot "idée" sans complément n'indique que peu de choses. Il faut souvent lui adjoindre un complément pour cerner l'objet de cette idée. On parle alors : d'idée de solution car elle réfère à une problématique, ou d'idée de concept, ou encore d'idée de business model... 

Alors que se passe-t-il quand on parle de bonne idée? Dire que l'idée est bonne est un "jugement", une "évaluation", pour ceux qui ont l'habitude d'étudier ou pratiquer la créativité ou l'innovation. Hors l'idée qui est abstraite de nature est-elle évaluable? A cette question on peut répondre oui et vous trouverez une bonne dizaine d'ouvrages qui traite au moins partiellement de cette question.  Mais, l'usage du jugement "bonne idée vs bonne mauvaise" en s'inscrit pas une démarche de sélection d'idée formalisée dans ces ouvrages. Cette évaluation ou ce jugement est bien trop simpliste pour le comparer au résultat d'une analyse ou d'une mise en perspective sur le potentiel d'un nouveau concept ou d'une idée de solution. Cet argument s'appuie sur le fait que les critères évaluant une idée sont tout autre : en général on discute de la faisabilité d'une idée, de son originalité, de l'acceptance client ou de l’acceptance de l'organisation, si oui ou non elle est en adéquation avec les valeurs de l'entreprise, etc. Je vous laisse le loisir de faire état de l'art des critères évaluant une idée, seulement jamais vous ne trouverez le qualificatif "bonne". Par contre vous trouverez un critère d'évaluation, souvent utilisé sous le nom de sélection hédoniste dans les sessions de créativité, qui pourrait approcher le sens de ce jugement. Ce critère hédoniste, qui par définition, porte la notion de plaisir pourrait être exprimé simplement après une présentation par un jury par un "j'aime cette idée". Jugement subjectif, certes, mais qui a le mérite d'être clair et qui peut trouver son utilité dans un processus d'innovation ou créatif, puisqu'il peut-être un indicateur de la motivation de celui qui l'exprime. 
Pour éviter de s’arrêter là je vous propose donc 5 bonnes raisons de ne plus utiliser le jugement "ho la ça c'est une bonne idée!":

Raison 1 :  parce que vous pouvez passer votre vie à trouver la bonne idée, vous ne ferez jamais rien par ce que ça n'existe pas! Les innovations les "succes stories" ne se décrètent pas. On découvre qu'elles ont du potentiel en travaillant dessus. 

Raison 2 : parce que vous avez le droit de dire que vous aimez une idée. C'est plus sympa et plus utile. L'innovation et la créativité se nourrit encore du moteur de la passion et même en costume-cravate on à le droit d'aimer. Et surtout assumez-le, ça fait un moment que les théories du management ont intégré la notion d’intelligence émotionnelle!  

Raison 3 : parce que ce n'est pas le problème. L'utilité de l'évaluation est de savoir sur quelle idée on engage les ressources de l'entreprise. C'est plus une problématique de choix étant donné la limite des ressources de l'entreprise. En dehors de l'analyse ou de la mise en perspective le seul jugement simpliste auquel nous avons le droit c'est est ce que l'on teste cette idée ou non! Et surtout apprenez à travailler sur des idées floues, des idées molles, même des idées sans valeurs: toutes celles que l'on classe dans les "pas bonnes", car elles peuvent vous surprendre.

Raison 4 : parce qu'il y a d'autres évaluations qui ont du sens! Une note sur la faisabilité et l’originalité, en fonction du résultat escompté peut vous permettre une évaluation plus utile. Personnellement j'utilise aussi d'autres évaluations : la clarté dans l'expression de l'auteur d'une idée peut vous donner des indices sur la maturité de l'idée (critère a modérer en fonction des capacités oratoires de l'auteur). Je pose la question de ce que la réalisation d'une idée peut apporter comme connaissances à l'équipe ou à l'organisation. Enfin de compte, l'évaluation d'une idée est très contextuelle au système où elle prendra corps et faire une évaluation qui a du sens pour une organisation est une tâche juste essentielle.

Raison 5 : parce que j'ai eu beaucoup de mal à me corriger de ce jugement qui n'a aucun sens et que son usage m'agace au plus haut point! A mon sens, l'usage de cette évaluation est indice du manque d'expérience de l'évaluateur, et qu'elle est impardonnable chez le professionnel de l'innovation. Si ce billet, ne vous a pas convaincu évitez juste de l'utiliser en ma présence, je vous en saurais grès, merci.
 

1 commentaire:

Fabien a dit…

Très bon article !
C'est vrai qu'une idée non réalisée n'a que peu de valeur.
J'aime bien aussi l'idée que de "mauvaises" idées puissent donner des réalisations intéressantes.