Comment ne pas réagir à un tel titre: L'école tue la créativité. Notre système éducatif détruirait les élans créatifs de nos enfants? Nos enseignant ou plutôt les méthodes qu'ils emploient privilégieraient le conformisme, le sens commun, le mono-point de vue au détriment de la recherche de l'idée nouvelle, de la remise en cause de nos paradigmes, de la flexibilité mentale?
Non! Ce serait trop facile de rédiger une énième critique de notre système éducatif et de rendre responsable nos enseignants. Quand vous aurez visionné la vidéo de Ken Robinson sur le site TED, l'erreur serait croire que nos systèmes éducatifs sont seuls responsables. Ken Robinson parle d'un modèle hiérarchiques des différentes disciplines enseignées, qui placerait les mathématiques en haut de l'échelle et les disciplines artistiques en bas de l'échelles (elles-même hiérarchisées). Cette hiérarchie qui placerait les connaissances de l'ingénieur au dessus de celles de l'artiste, nous l'avons hérité de l'ère industrielle et nous l'entretenons encore. Il serait intéressant de s'interroger sur le ou les critères permettant d'élaborer cette échelle de valeur: l'intelligence (seulement celle que mesure les QIs), le mérite, l'efficacité économique, la capacité à assimiler le savoir...Mais, ce n'est pas le propos ici d'en théoriser les causes, par contre cette vision rigide des disciplines enseignées détruit une vision plus élargies du rôle complémentaire de chacune de ces disciplines et nous contraint à ne pas voir l'ingénieuse réalisation de l'artiste et l'acte créatif chez l'ingénieur ou le scientifique.
Hormis le talent de speaker, de comique et de storyteller (et il y en a sur le site TED), qui rendent les 20 minutes de la vidéo trop courtes, on peut retenir le message suivant: la créativité devrait être enseignée au même niveau que la littérature ou les mathématiques le sont dans l'éducation. A la base, les enfants sont créatifs car ils osent. Ils n'ont pas peur de se tromper. Les créatifs le savent bien: si vous avez peur de vous tromper, vous ne produirez jamais rien d'original. Hélas nos entreprises et notre système éducatif stigmatise l'erreur ce qui à pour effet de bloquer notre créativité.
Notre système éducatif actuel privilégie les matières qui ont vocation à être utilisés directement dans tel ou tel métier. Ainsi on n'enseignera pas les arts graphiques à un ingénieur. L'objectif est plus de produire que de créer. Notre système éducatif, focalisé sur la "tête" (et nos sur la réalité du cerveau), tend idéalement à produire des professeurs d'universités. Nous privilégions donc l'aptitude académique. Les disciplines les plus utiles au travail sont au sommet. Les autres disciplines sont écartées. Pourtant nous produisons de plus en plus de jeunes diplômés et la valeurs des diplômes décroit. Un diplôme n'est plus une condition suffisante pour trouver un travail. Ce choix et ces dernières conséquences sont directement issus d'une certaine vision de l'intelligence.
Hors, ce que nous connaissons sur l'intelligence tend à infirmer ce mono-point de vue. Premièrement, l'intelligence est variée. Nos perceptions sont multiples (auditive, visuelle, kinesthésique) et les représentations mentales le sont aussi. Deuxièmement l'intelligence est dynamique. Le cerveau n'est pas divisé en compartiment étanches et les processus de créativités mettent en œuvre de multiples interactions entre ces différentes façons de voire les choses. Plus nous augmentons notre capacité à envisager notre environnement en tenant compte de point de vues et sensations multiples, plus nous serons créatif.
Ce que nous faisons actuellement avec nos ressources cérébrales est équivalent à notre comportement écologique actuel. Nous surexploitons certaines ressources aux détriments d'une exploitation équilibrée. Cette prise de consciences doit nous obliger à repenser "l'écologie humaine", Nous devons repenser notre conception de la richesse humaine et notre tâche est d'éduquer nos enfants de façon complète et équilibrée.
Ce "speach" de Ken Robinson est encore un signe de la mutation que notre société est en train de vivre. Dernièrement, lors d'une de mes recherches d'articles traitant de la créativité, je me suis tombé sur les articles de deux connaissances: Delphine Manceau, professeur à l'ESCP et co-auteur du livre "Le marketing des nouveaux produits" chez Dunod et Delphine Batton, consultante en formatrice en créativité (voir son site) et animatrice du groupe de travail "Les outils de créativités adaptés pour les jeunes enfants" au sein de Créa-France.
Delphine Manceau expliquait dans son article "Quelques idées reçues qui constituent un frein à l'innovation" que plus de la moitié des innovations n'était pas technologique, que la performance des entreprises ne se mesure pas au nombre de brevets qu'elles sont capable de déposer et que le ratio Recherche et développement/PIB n'est pas un bon indicateur pour mesurer la performance d'un pays au point de vue de l'économie de la connaissance. Il y a là aussi un encouragement à la créativité comme approche plus élargie de l'innovation.
L'article "Apprendre à développer des techniques qui libèrent la pensée" dans le Monde (article de Marilyne Baumard) cite l'initiative de Delphine Batton et Julia Kalfon au sein de L'IUFM de Cergy-Pontoise montre aussi que notre système éducatif expérimente et progresse.
Voici donc deux signes (j'espère avant-coureur) du changement que nous vivons dans notre société. Si l'éducation et l'industrie sont capables d'amorcer ce virage, peut-être, nous approchons nous d'une société plus globale, plus ouverte et surement plus Performante avec un grand P (écologiquement, humainement, socialement et économiquement).
Ce "speach" de Ken Robinson est encore un signe de la mutation que notre société est en train de vivre. Dernièrement, lors d'une de mes recherches d'articles traitant de la créativité, je me suis tombé sur les articles de deux connaissances: Delphine Manceau, professeur à l'ESCP et co-auteur du livre "Le marketing des nouveaux produits" chez Dunod et Delphine Batton, consultante en formatrice en créativité (voir son site) et animatrice du groupe de travail "Les outils de créativités adaptés pour les jeunes enfants" au sein de Créa-France.
Delphine Manceau expliquait dans son article "Quelques idées reçues qui constituent un frein à l'innovation" que plus de la moitié des innovations n'était pas technologique, que la performance des entreprises ne se mesure pas au nombre de brevets qu'elles sont capable de déposer et que le ratio Recherche et développement/PIB n'est pas un bon indicateur pour mesurer la performance d'un pays au point de vue de l'économie de la connaissance. Il y a là aussi un encouragement à la créativité comme approche plus élargie de l'innovation.
L'article "Apprendre à développer des techniques qui libèrent la pensée" dans le Monde (article de Marilyne Baumard) cite l'initiative de Delphine Batton et Julia Kalfon au sein de L'IUFM de Cergy-Pontoise montre aussi que notre système éducatif expérimente et progresse.
Voici donc deux signes (j'espère avant-coureur) du changement que nous vivons dans notre société. Si l'éducation et l'industrie sont capables d'amorcer ce virage, peut-être, nous approchons nous d'une société plus globale, plus ouverte et surement plus Performante avec un grand P (écologiquement, humainement, socialement et économiquement).
12 commentaires:
Pour ce qui est de la créativité des enfants, lire ceci (humour):
blog de Boulet du 11 décembre 2007
Juste pour se rappeler que la créativité, c'est comme le reste: une minorité de gens est douée, pour la plupart des gens ça s'apprend.
Excellente la BD, je bookmark le site, merci Julien.
Et les signes avant-coureurs ne font que se multiplier. j'en veux pour preuve les personnes qui me contactent : une éducatrice pour jeunes enfants en Algérie qui voudrait enseigner des méthodes de créativité à ses élèves, une responsable d'IUFM dans le Sud de la France qui se demande si ces méthodes de pourraient aider les enseignant auprès des primo-accédents et des enfants du voyage, une professeur d'anglais qui va demander à suivre le certificat universitaire cette année, des professeurs des écoles qui se forment au Brain Gym et qui veulent intégrer l'utilisation des cartes mentales et d'autres techniques comme le creative problem solving dans leur enseignement...
Honnêtement, le sujet n'est pas nouveau.
On pense par ex. à "Libres enfants de Summerhill" qui décrivait il y a 50 ans les mêmes idées.
La difficulté principale est qu'il faut beaucoup plus d'encadrement pour élever des enfants en respectant leur créativité.
L'autre est que la société actuelle a besoin pour fonctionner de beaucoup de gens qui exécutent, et donc un système qui produit ça a le mérite d'assurer un débouché relativement certain à ses élèves. C'est une forme de compromis qualité/risque
Enfin sur le fait de donner aux maths et sciences une place importante, c'est aussi le moyen de donner des outils conceptuels très utiles pour comprendre le monde, tandis que la littérature (le français) est un outil essentiel pour se faire comprendre.
Ceci dit, il est reconnu que l'enseignement français privilégie la recherche de la "bonne" réponse au détriment de l'originalité, et stigmatise l'échec.
Il y a certainement le moyen de rééquilibrer vers plus de spontanéité et de reconnaissance de la créativité
bonjour,
pour nourrir le débat sur la question, je me permets de signaler l'article que j'ai rédigé à propos des ambiguïtés de la notion de "créativité" sur skhole.fr :
de la créativité à l'école
cordialement,
JG.
Merci à tous pour vos commentaires
Merci @Delphine Batton pour ces informations supplémentaires.
@hseverac, merci pour ta référence. Le problème des effectifs est très pertinents, surtout en cette période de réductions d'effectifs. Néanmoins, il y a des mesures qui n'impliquent pas le nombre d'enseignants. Poser des problèmes qui ont plusieurs solutions, ne coute pas bien cher. Expliquer qu'il y a plusieurs espaces de vérités et montrer que les point de vue sont multiples, ce serait déjà pas mal. Quant aux débouchées professionnelles, il y a effectivement un compromis à trouver, c'est vrai. Ce que Ken Robinson dit dans la vidéo est que le nombre de diplômés augmente mais en même temps, le diplôme garanti de moins en moins l'emploi. Donc il remet en cause ce rapport Qualité/risque.
Et puis, étant un fan de math, de physique et de sciences en générale, avant même de faire de la recherche, je pense que l'argument que ces matière aident à comprendre le monde est tout à fait recevable, mais à quel niveau de maitrise? Comprendre le monde avec l'art pourrait être plus abordable, non?
@Julien.gauthier
Ton article est épatant de part sa qualité et ces références. Je n'ai pas fini de le lire et de le relire. Je n'ai pas Montaigne comme référents et je n'ai pas lu le rapport Taddéi. Je viens plutôt du monde de l'entreprise et de la recherche "technique". Je suis très heureux de d'avoir ton article sous la main, mais je dois et je vais l'étudier. Est ce une publication dans une revue ou pour une conférence?
@fabrice
Merci pour ta lecture bienveillante : skhole.fr est une sorte de revue en ligne, de réflexion sur l'école en général. J'en suis l'un des fondateurs, et ce texte est donc d'abord un article rédigé pour la revue.
cordialement,
JG.
La video n'existe plus, il faudrait refaire le lien directement vers le site de TED où elle existe encore.
bonjour! très intéressant cet écrit et les liens proposés: je vous suis totalement.
J'ai trouvé par ailleurs l'article très bien fait de Julien Gautier.
Comme souvent dans ce type de dossiers, il y a des raccourcis. Je suis personnellement souvent pour l'équilibre. Et personnellement je n'oppose pas l'intérêt de favoriser l'imagination et celui de la mémoire.
Comme je ne pense pas qu'il faille opposer maths et français (je me souviens de ma prof de français de 1ère qui adorait ses classes scientifiques car coté analyse de textes, c'était "notre truc"), ni art et math.
@Fabrice : "Comprendre le monde avec l'art pourrait être plus abordable, non?" pas sûre. Oui pour certains, non pour d'autres. Dans mon entourage proche, j'ai des enfants qui comprennent bien plus aisément des explications logiques, "scientifiques", "journalistiques" que par l'image, la métaphore, je crois que ce qu'il faut, c'est varier les angles d'attaque et les approches pour arriver à "parler" à chacun.
@hseverac Libres enfants de Summerhill est pour le coup très radical dans sa manière de voir. Je serais plutôt plus nuancée (d'ailleurs les travaux de Todd Lubart sur le sujet montrent que ce sont les environnements "modérés", libres mais donnant un cadre, réglementés mais ou la règle peut avoir des exceptions qui sont les plus favorables au développement de la créativité).
@julien.gautier la créativité, comme le reste, n'est pas je crois une fin en soi en matière d'éducation. Ce que je fais personnellement avec mes enfants en ce sens, c'est plutôt dans la perspective de leur transmettre des valeurs (pour moi inhérentes à la créativité telle que je l'entends) : respect, curiosité, écoute, critiques constructives, soif de découverte, tolérance... Et cela passe aussi par la mémoire au sens où j'ai cru comprendre que vous l'entendiez, malheureusement, souvent j'ai constaté que de ce point de vue, ce que l'on demande aux enfants c'est d'ânonner et non pas de mémoriser, je serais intéressée par votre point de vue sur ce sujet.
je me permets aussi de mettre ce lien vers ce très joli site "Aventure mathématique" : comme quoi, les maths... http://aventuresmathematiques.blogspot.com/2010/04/10-seances-de-problemes-ouverts-cle-en.html
Also what in that case to do?
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